« Les femmes doivent faire attention »

« Les femmes doivent faire attention »

Dans un restaurant italien, ils discutent tranquillement.
À une table voisine, un groupe de copines reçoit ses commandes.
La plupart a choisi le plat du jour, les lasagnes végétariennes avec de la salade.
Les lasagnes forment trois jolis tournicotis tout moelleux bien bombés.
Si appétissantes par leur rondeur comme de charmants seins détendus et pleins de vigueur en même temps.
Si séduisantes par leur couleur orangée qu’elles nous appellent toutes entières pour croquer dedans.
Ces lasagnes aux fesses rebondies et dodues sont d’irrésistibles gourmandises dans lesquelles on ne souhaite que se plonger et se fondre.
Telles les joues bien juteuses et joufflues d'un bébé que l’on veut pincer avec amour
Ces lasagnes, le plaisir de se délecter de son désir !

Lui, voit arriver les lasagnes des copines et lance « Eh bien, elles ont bon appétit les filles ! »
Face à cela, les deux femmes se regardent et marquent un temps.
L’une d’elle déclare « Et ? »
Lui continuant, sans gêne aucune, entre le sourire et la taquinerie « Bah les femmes doivent faire attention. »

Blanc des deux femmes qui n’en reviennent pas de ce qu’il vient de lâcher.
La plus téméraire rétorque « C’est quoi cette phrase ? On en parle du votre bedonnant des mecs passés la trentaine ! Là on dit rien. »
Regards complices avec son acolyte
L’homme, pris en étau dans sa bêtise, rigole comme pour se défendre.
La femme reprend « Par contre, une femme, qui mange ci ou ça, est scrutée. »

La femme doit-elle mériter l’autorisation pour se faire plaisir quand elle en a envie ?
Doit-elle demander la permission pour manger un plat gourmand avec du bon ou du mauvais gras ?
Ne peut-elle pas se goinfrer et se gaver si elle veut comme les mâles s’empiffrent, pètent et rotent ?
Doit-elle continuellement se justifier d'avoir faim, d'avoir des envies et de ne pas se limiter à une carotte et trois feuilles de salade comme un lapin ?

Toi, femme, constamment soumise à la bienséance raisonnable et respectable
Toujours épiée depuis gamine si tu te ressers une deuxième fois
Ton coup de fourchette est surveillé et analysé selon la loi fondé par le patriarche.
Ce même ordre transmis et inculqué très tôt chez les petites filles est totalement accepté et intégré par elles.
Si bien que les petites filles devenues femmes passent leur vie « à faire attention »
Oui elles scrutent, contrôlent et calculent leurs assiettes,
Répriment leurs désirs en les divisant par quatre,
Musellent leurs corps pour qu’il rentre dans la bonne taille de vêtement.
Et il arrive que l'endoctrinement soit tel, qu'elles soient, entre elles, encore plus grinçantes, cassantes et cinglantes que l'alpha.
D'impitoyables jugements pour mieux se protéger contre le rouleau compresseur du système.

« Les femmes doivent faire attention. »
Cette injonction disciplinaire tortionnaire

Cette petite phrase anodine qui témoigne du sexisme ordinaire et assimilé de notre monde
est sortie de la bouche d’un père qui a toujours poussé ses deux filles à s'aimer, à faire des études, à se cultiver et à gagner leur indépendance par elles mêmes en travaillant.
Lui avec sa petite phrase qu’il croyait simplement rigolote et moqueuse,
est a des années lumières du fossé qui le sépare de ses filles
car elles aussi font constamment attention.

Avec une endurante patience et une fougueuse persévérance,
Les femmes feront, demain, selon leurs simples désirs, aux côtés des hommes,
Leurs alliés et non plus leurs maîtres et leurs juges.

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