Hypersensible

Hypersensible

Tu ressens trop tu pleures trop tu réagis trop. 
Tu es excessif ! Voilà les inévitables et sempiternelles remarques auxquelles tu as eu droit.
Tu es trop !
Est ce possible d’être trop ? Et trop par rapport à qui ? À quoi ? 
À une certaine norme sociétale dans les clous ? À l’opinion commune de la masse ?
Aux yeux de cette moyenne, tu es à la marge et donc pas tout à fait
normal.
Car tu es trop de trop !
À l’intérieur de toi c’est l’écorce qui brûle.
Avec tes antennes invisibles, tu vibres à haute intensité.
Ça déborde et te submerge telles les vagues de tsunami.
Ça se déploie ça crépite et le volcan entre en éruption.
Tes larmes, tes rires, tes douleurs, tes joies sont lave incandescente.
Le vacarme incessant de tes émotions te trimballe dans le tumulte des montagnes russes.
Tu sautes, trébuches, bondis, tombes.
Étourdissante fatigue émotionnelle !
La cocote minute s’échauffe et explose. 
Ça t’échappe et t’éclabousse.
Ça leur pète à la gueule autant qu’à la tienne.
Tu trembles et ça claque en cascade.
Symphonie de gifles !

Et les « normaux » te dévisagent.
Tu es estampillé « énergumène ».
C’est l’heure du jugement et ils t’assènent et pointent ta différence comme une anomalie.
Ils dégainent l’arme fatale et te rendent coupable d’être ce que tu es.
Alors tu finis par te rejeter à l’image de leur exclusion.
Tu te bannis et te caches du monde.
Ton étrangeté est devenue handicap.
Un fardeau qui te colle à la peau et que tu n’acceptes pas.
Tu te carapaces et camoufles ton monstre.
Car tu ressens trop tu expulses trop.

Et combien de fois t’es tu épuisé à leur faire entendre ton feu intérieur!
« Prends de la distance » qu’ils s’esclaffent.
« Relativise » qu’ils piaillent.
Parce que tu perçois le monde avec une acuité si fine et aiguisée
Tu vois de la dentelle là où eux voient une simple tapisserie anodine.
Les injustices de notre monde te percent les yeux et t’étranglent le ventre
Alors qu’eux avec leur filtre « normal » sont au plus inconfortables quelques minutes et passent leur chemin.

Toi ça te remue autant que ça te fige.
Ça te bouscule autant que ça te paralyse.
Eux ils s’accommodent.
Ce n’est pas de leur faute et ni de la tienne. 
Et il n’y a pas de hiérarchie de valeurs à faire, pas de moins ou de mieux car pas de classement.
D’où ils sont, l’aigle et le lion perçoivent le monde bien différemment.
Perceptions plurielles, réalités multiples
Comme les autistes et les autres.
Chacun offre sa contribution.

Tu croises le regard d’un passant et comme une photo sa douleur s’imprime et s’imbibe en toi.
Elle te poursuit et te hante.
La souffrance s’aimante à toi sans répit.
Elle t’étreint et te bouffe.

Avec le temps à force de t’apprivoiser tu réussis à dompter ta nature sauvage et écorchée.
Tu l’entoures de ta bulle protectrice et règle son volume pour ne pas
t’effrayer et les faire fuir.
Tu apprends à t’aimer et prônes la tolérance.
Et cela même si tu serres les poings et enrages devant les égocentriques et les faux derche.
Les dépourvus d’empathie
Comment n’être centré que sur soi et le bout de son nez alors que
dehors ça palpite et tambourine si fort ?
Comme la louve prête à défendre ses petits tu sors les crocs et les griffes.
Les démolir en les emplafonnant ?
Oh que ça te démange !
Mais tu vaux mieux que de céder à tes instincts primaires.
Nelson Mandela te guide...
Tu décides de leur tendre la main pour leur donner de ta richesse.

Ta sensibilité exacerbée est ton super pouvoir !
Partage-le
Tu es cette ondulation ce frémissement qui surgit comme le vent qui va et vient.

Te l’enlever ?
On apprend à vivre sans ses jambes ou ses bras mais le peut on sans ses deux poumons ?
Car cette difformité comme la bosse de Quasimodo est ton ADN.
Ton troisième poumon

Et ce n’est pas une tare que d’être hypersensible.
Totalement intrinsèquement relié au monde qui t’entoure.
De tout ressentir avec une grande intensité
De tout absorber comme un buvard.
Ça te traverse et te dévaste en t’embrassant.
Chocs de puissantes déflagrations

A vos ailes hypersensibles !
Faites briller votre lumière avec courage.
Notre monde en a si besoin.
Votre envol a peut-être été bâillonné et brimé par vos bourreaux mais
aussi par vous.
Refuge de l’autocensure ?
Épousez votre bizarrerie et bientôt vous volerez plus haut que nous tous.
Votre différence fait de vous des êtres liés d’amitié à l’absolu et à la solitude.
Mais demain vous nous inspirerez et les œillères des non voyants tomberont.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.