Anomalie
"Caractère anormal de quelque chose, exception à la règle."
Quatre syllabes pour dire désigner épingler étiqueter archiver l’horreur.

Il était ton bourreau mais tu ne le savais pas.
Il était brûlant de désir pour toi et tu ne savais que faire.
Où aller ? Où crier ?
Prisonnière de ta filiation,
La terreur t’habitait sans relâche.
Elle t’épiait t’espionnait te traquait jusqu’à ce que tu étouffes et que tu agonises.
Comme une enterrée vivante, tu grattais le sol pour t’échapper de ces sables mouvants.

À l’intérieur de toi la petite fille que tu étais, hurlait et personne ne t’entendait.
La loi du silence car dire c’est rendre vivant.
Tes mots n’existaient pas,
Mais tes maux te pétrifiaient.

La vraie frayeur où on te noie la tête sous l’eau,
Où ton cœur s’emballe se déchaîne et lutte avant de rompre,
Où dans la panique insubmersible, le chaos s’est emparé de toi.

Tu étais son enfant.
Il était ton père.
Tu étais sa fille.
Et il te regardait comme un homme désire ardemment une femme.

La chasse était ouverte.
Ses lèvres clapotaient et sa bouche piaffait de désir.
Ses yeux te déshabillaient et te scannaient jusqu’à l’os.
Le loup se léchait les babines à la vue de sa belle biche.
Tu étais une proie si convoitée pour ce prédateur.

S’il avait pu, il te serait rentré dedans, t'aurait retournée dans tous les sens et léché partout comme une bonne glace que l’on savoure goulûment.

L’image est sale, puante, dégueulasse, abjecte, insoutenable.
La petite fille est tétanisée de peur et de dégoût.
Elle ne peut rester immobile tellement l’angoisse la lacère, la tenaille et la commande.
Elle ne peut soutenir son regard.
Elle veut détruire pulvériser éradiquer exterminer cette monstruosité.
Elle veut triompher et remporter la bataille.

Désir incestueux
Désir porté et fantasmé sur un objet inapproprié.
Il a bifurqué et dévié du centre.
Un mâle consumé par le feu intense d’une libido déréglée !
Un grand éclat de rire te traverse et s’empare de toi.

C’est donc une « simple » erreur d’orientation du GPS
Une anomalie dans le système du bonhomme

Qu’il est bon de rire aussi de ses malheurs.

Une panne une déroute un bug dans la machine et c’est toute la trajectoire qui est enraillée et modifiée.
Et oui le hors-piste peut être dangereux !

La femme que tu es aujourd’hui voit un homme faire des sons avec sa bouche, tirer la langue, te regarder fixement.
Chaque petit mouvement décomposé est ramené à un simple geste technique.
Tu poses un diagnostic rationnel et pragmatique.
Tu regardes un patient atteint d’une anomalie.

L’affect disparaît.
La terreur de la petite s’évanouit et laisse place à la peine et à la pitié.
Pauvre papa, c’est lui le plus à plaindre.

Et la honte change de camp.
Il se recroqueville et pleure de ce qu’il est.
Le masque tombe.
Ton envie de gagner s’évapore aussi.
Tu ne ferais que rester attachée à lui et ce même en le dominant.

Tu t’élèves et le pardon vient à toi comme la caresse du vent qui souffle sur toi pour te guider.

Tu enlaces ton père.
Ce père qui a été un homme défaillant.
La petite fille a grandi.
La femme a brisé sa prison sans faire la guerre.
Sans loi du talion, sans représailles
La victime et le bourreau n’ont plus lieu d’être.