La danse du soleil

La danse du soleil

La pénombre de la nuit les entoure.
Elle, face à son maître, assis en tailleur
Ils sont en miroir et se reconnaissent comme s’ils se retrouvaient sans jamais s’être connus et sans jamais s’être perdus pourtant.
Entre eux, un doux feu de bois les éclaire et rythme le silence par ses crépitements.
Ils méditent paisiblement.

Sur le côté au sol, sorti d’un sac, un faisceau lumineux apparaît.
Elle le reconnaît tout de suite sans nul doute.
Son sabre lui sourit.
La curiosité aux aguets comme une enfant pétrie du goût de la découverte, elle brûle de le toucher et de le saisir.
Mais, sage et avisée, elle n’ose pas déjà succomber à son désir.
Tel un embouteillage brumeux, les questions la bousculent.
Est-elle prête ? Est-elle capable de porter cette responsabilité ? La marche n’est-elle pas trop haute ?
N’est-ce pas mieux de rester ignorant ?
Est-elle mue pour de bonnes raisons ?

Toute son impatience transpire et remplit l’atmosphère.
Son maître la hume et en sourit en en reconnaissant le parfum familier,
Car lui aussi a jadis été aspirant.
Il lui demande d’attendre encore un peu.
Elle, elle sait que le test a déjà commencé alors elle se maîtrise et tient l’immobilité.
Ses cogitations intérieures sont le signe d’un trouble.
Le moment n’est pas tout à fait mûr.

Son maître s’amuse de cela avec humour.
Il commence alors à réaliser des figures « gymnastico-spirituelles-yogiques ».
Une fois, il est en lévitation.
Une autre, tout son corps ne tient que sur sa tête à l’envers.
Et encore une autre, il est assis sur la pointe perçante du sabre.
Il exécute tout cela avec une pleine sérénité.

Elle, déconcertée, est impressionnée et se sent bien faible, petite, et incapable.
Son maître la rassure et lui assure qu’un jour elle y parviendra sans peine car c’est sa voie.
Mais c’est un chemin de labeur où le plaisir se conjugue à l’effort et à la difficulté jour après jour.
L’étonnante facilité et décontraction du maître découle d’un acharnement passionné à la tâche depuis le début de sa quête.

La première leçon est donc celle de la sagesse et de l’humilité.
La sagesse de calmer ses ardeurs quand ils sont justes portés par de l’excitation fugace et légère.
L’humilité face à l’apprentissage.

C’est alors que l’évidence s’impose et le pas s’emboîte.
Elle se lève et s’empare de son sabre.
Ils sont liés à jamais.
Leur fusion est naturelle, limpide et lumineuse.

Dans un paysage où l’horizon est orangée et jaune,
L’élève, drapé du kimono traditionnel, s’exerce assidûment avec son sabre.
Il répète encore et encore ses mêmes gestes pour que sa chorégraphie soit fluide et précise.
Jusqu’à ce qu’il fasse totalement corps avec elle comme si elle faisait partie de lui depuis toujours.

Il décape, décolle, et découpe.
Il frappe et éventre.
Il claque l'air et tranche l’horizon,
Comme pour faire naître un nouveau jour.

Est-ce l’aurore ou le coucher du soleil ?
L’élève est-il un homme ou une femme ?
Où est-ce une femme sous les traits d’un homme ?
Les frontières sont poreuses.
Et nul n’a besoin de tout comprendre pour se laisser guider.

A travers ses pas, l’élève danse maintenant de tout son feu.
Les drapés de ses bras font de lui un aigle virevoltant.
Ils enchaînent les figures et les sauts dans l’air.
C’est tantôt un dragon, tantôt une antilope, tantôt un cobra.

Il existe la danse des sept voiles qui, célébrée et applaudie par la foule, excite nos désirs par sa volupté et ses caresses.
Plus confidentielle, la danse du soleil, entre l’aurore et le crépuscule, porte de l’ombre à la lumière les aspirants samouraïs.

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