Elle a fait de son mieux

Elle a fait de son mieux

D’un côté, une femme qui se cache de la lumière comme une petite fille terrorisée sous sa couverture. 
Apeurée d’angoisses, elle se mure hors du monde pour se protéger de la moindre agression.

De l’autre côté, une mère
Sa mère qui ressent une irrépressible envie de violenter sa fille.
Elle sait, elle sent que ce n’est pas bien, pas correcte, pas conforme.
Elle essaye de se contenir et de chasser ses noires pensées,
De réprimer ce qui gronde en elle.
Mais un lancinant et tenace désir de malmener sa progéniture à sa guise la tient, la tenaille et l’emprisonne.
Lui faire du mal s’impose comme une évidence et une nécessité.

Sa fille est un jouet avec lequel elle veut s’amuser.
Le remuer, le secouer, l’étouffer,
L’écraser, le ratatiner, l’écrabouiller,
Le martyriser pour se soulager elle.
Le plaisir sadique de se faire du bien à elle,
Car jamais personne ne lui en a fait.

Alors elle cède et lâche les chevaux de la persécution contre sa fille.
Elle l’écrase et l’humilie moralement.
Elle la tyrannise pour la réduire et la compresser en un déchet qui prenne le moins de place possible.

Est-ce terrifiant ?
Est-ce inimaginable ?
Est-ce amoral ?
Trois fois oui

Mais dans une indicible douleur cette mère porte un secret enfoui en elle.
Il est si bien terré que son esprit l’a verrouillé et cadenassé.
Juste dans l’air autour d’elle, planent des indices qui pressent son cœur.
Le père officiel de la petite n’est pas le vrai.
Lui-même est victime du mensonge.

La petite est le fruit d’un viol.
Sa mère est une femme salie et souillée.
Sa chair et son cœur renferment les stigmates indélébiles de cet abus étouffé et renié.

Pour vivre avec, la mère a fait de son mieux.
Elle a survécu en brutalisant sa fille,
Car elle ne connaissait que cela.
De la violence

Alors à son tour, comment aurait-elle pu donner autre chose, elle qui n’avait reçu que cela ?
De la sauvagerie
Elle ne savait même pas que d’autres voies étaient possibles.
La victime est devenue bourreau.

La vérité percée et éclatée, la mère se sent soulagée et maintenant coupable.
Et aussi incroyable que cela puisse être, pour la première fois, elle voit vraiment sa fille.
Elle la regarde et lui demande pardon.
La filiation apparaît pour dissiper le fossé de l’étrangère.
Ce trou provoqué par l’anesthésie de la souffrance totalement occultée.

Avec ses armes et ses ressources, cette femme meurtrie devenue mère tyrannique a fait de son mieux.

Et vous, victime d’abus, oseriez vous prétendre être au dessus d’actions sadiques pour vous nettoyer tant bien que mal,
Alors que le silence et le mensonge vous enserrent dans un étau mortifère ?
Êtes vous saisies par le frisson de vous sentir supérieures et immunisées de toutes déviances extrêmes ?
Prenez sa place, et nous verrons comment vous ferez de votre mieux.

A toutes les femmes exploitées et abusées,
A toutes les femmes déchirées et brisées,
A toutes les survivantes revenues des camps de la mort,
Qui par fidélité ont scellé leur cœur avec ceux partis,
Qui n’arrivant pas à continuer à vivre avec l’horreur dans la tête,
Se sont tuées laissant leur enfant sans mère.
À toutes ces mères, on vous aime.

Vous, les mères,
Avant de donner la vie vous aussi vous êtes venues au monde blotties au chaud contre la peau de votre mère,
Ou aussi parfois expulsées comme un paquet encombrant.
Vous aussi vous étiez un bébé puis un enfant en attente d’amour à combler.

Vous avez fait de votre mieux et nous ferons de même.
Nous acceptons d’être au minimum un peu comme vous avec votre grâce et votre maladresse.

Nous aurons nos propres limitations aussi,
Nos angles morts et nos œillères,
Nos attentes insatisfaites que nous nous emploierons à dompter pour s’affranchir,
Nos croyances limitantes que nous démonterons et pulvériserons.

Nous formons le vœu de brûler et calciner nos entraves
Car c’est aussi les vôtres que nous laverons.

Nous faisons toutes de notre mieux.

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