Le cri de la furie

Le cri de la furie

Comment fait-on quand on a si peur de sa douleur qu’on la séquestre et qu’on l’emprisonne en soi ?
On la bouche, la muselle et la bâillonne car on voudrait l’étouffer pour qu’elle n’existe pas.
Ton petit cœur la refuse et la rejette aussi loin qu’il peut.
Il a peur du vertige.
Peine perdue !

Ça pince, ça tord et ça cogne à l’intérieur.
Un semi-remorque est passé sur ton cœur.

Et tu sens ta douleur qui s’est faufilée sans que tu n’aies rien pu faire. Elle est bien là.
Installée dans ta demeure sans avoir été conviée. La déloger sera au début bien difficile.

Alors trop de trop, la nausée s’empare de toi.
Tu déglutis et vomis à t’enflammer la gorge.
Tu dégueules ton dégoût.
Et la colère sourde prend des forces et se développe insidieusement.

Tu as envie de le griffer, de le piquer avec une fourchette et de lacérer son corps.
Lui plein de tendresse et de compassion à ton égard, il veut te consoler et s’approcher de toi.

Mais c’est épidermique.
Outrancière et insupportable,
cette douceur est ravageusement douloureuse.

« Je ne veux pas de ton affection.
Si seulement tu pouvais être méchant pour que je puisse te haïr un peu un instant.
Pourquoi je souffre plus que toi ?
Pourquoi je souffre encore ?
Pourquoi je résiste autant à la guérison que l’on m’offre ?
Pourquoi j’aimerais avoir envie de m’abandonner dans de nouveaux bras ? Mais pourquoi ce désir est éteint ?
Pourquoi mon cœur est calciné quand le tien est déjà en floraison avec des oiseaux chanteurs pour compagnons ? »

Allons sur les falaises de Buoux et crions à tue-tête.
Un cri à percer les tympans, à faire saigner les yeux et à briser le cristal.
Soyons furie et hurlons notre peine dans l’air.
Que le vent emporte son échos et nous débarrasse de cette bile noire.

Tu découvres alors un louveteau gisant et agonisant seul près d’un arbre.
Comme toi, sa plaie béante est boursouflée et enflée.
Le chasseur, qui n’avait nulle intention de le blesser, retire sa flèche et recoud sa blessure avec une aiguille et un fil de toutes les couleurs.

Quel enfer que les chagrins d’amour !

Je te promets qu’un jour, on rigolera avec humour de notre peine qui aujourd’hui nous écrase le cœur.


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