Tu aimerais lui dire que « Ça va aller,
Que le temps guérit tout,
Que la tempête va passer,
Que le soleil renaîtra. »
Tu aimerais tant que ces vieux poncifs suffisent.
Tu aimerais tant que cette ritournelle de mots ait du poids.
Mais elle est si légère, vide et creuse que tu la ravales.
Elle n’est pas fausse ou fallacieuse.
Non.
Mais elle est bien stérile et veine maintenant . 

Alors tu apprends à te taire.

Tu aimerais tant la protéger et lui ôter sa peine qui l’enserre et l’étouffe.
Tu aimerais tant la réconforter et la consoler du tonnerre qui gronde.
Tu aimerais tant l’aider plus de sa noyade.
Car ton cœur te presse de la sauver.

Mais si tu la secoures, qu’apprendra-t-elle ?
Qui es-tu pour décider ce que l’autre a à vivre ou non, sous couvert de l’étendard du sauveur ?
Peut-être que son chemin est effectivement de tomber, voire de sombrer.
Peut-être que ses jambes au départ chancelantes vont la soutenir et la porter à avancer.
Peut-être qu’elle va découvrir en elle des ressources inédites.
Et si de la douleur accouchait un nectar transformateur et lumineux ?
Et si du chaos naissaient les plus belles révolutions ?

Alors tu apprends à laisser faire.
Alors tu apprends à renoncer à l’attachement pathologique qui lacérait ton cœur.
Il se remplit dès lors de la douce compassion.

Alors tu apprends à aimer.

Aimer au point d'accepter ton impuissance. 
Aimer au point de ne rien faire.
Aimer au point de te sentir responsable de tout ce qui te relie aux autres.
Aimer au point « d’agir dans l’inaction ».
Aimer au point d’accueillir l’amour inconditionnel.