Subtilement, les reproches tombent. Ton action ne colle pas à son cadre de référence. Pire, il le contrecarre et s’y oppose. Subrepticement, il te fait comprendre qu’il n’aurait pas agi ainsi. Plus fort que lui, comme poussé par l’irrépressible besoin de s’assurer d’être dans son bon droit, Tenaillé par l’envie d’avoir raison, Attaché à ses croyances de conditionnement, il te juge et placarde ton attitude. « Tu aurais pu proposer de nous aider. » « Tu aurais pu mettre la main à la patte au lieu de rester assis et te faire servir. » Et en sous-texte « Tu aurais pu être responsable et te sortir les doigts du cul au lieu de te laisser vivre comme un prince.» Cela pérore derrière toi. Cela te grippe, te crispe de culpabilité puis, comme une goutte de pluie qui s’évanouit sur une vitre, cela glisse en toi sans laisser de trace.
Tu as quitté la rive des conventions. Et délesté de l’injonction « donner pour faire plaisir », tu n’attends plus d’être aimé pour une illusion. À l’antithèse de l’égoïsme et de l’égocentrisme, parce que tu t’aimes plus qu’hier, tu n’as plus peur d’être différent. Au risque de décevoir. Au risque d’être pointé et rejeté. Au risque de laisser à l’autre ce qui lui appartient.
Oui tu aurais pu te forcer et te plier pour être serviable ! Et avant, tu l’aurais fait sans hésiter... Mais aujourd’hui, au nom de quoi dois-tu faire ceci ou cela, si l’intention de départ n’est que fallacieuse politesse ? Si elle maquille en fait un besoin de reconnaissance et d’amour ?
Plus fort que lui, il réouvre le débat. Encore. Vous confrontez. Thèse - Antithèse Chacun sa vision. Agrippé à son monde, il te donne une leçon de savoir vivre, se défend, veut se rassurer et se convaincre que son comportement est plus approprié et plus juste que le tien. Qu’il le croit si cela le tranquillise. Tu veux bien passer pour un ado nonchalant. Tu veux bien être jugé car désormais tu te tiens enraciné sur tes deux jambes. Parce que vous respectez vos différences et vos préférences, vous continuerez à vous aimer sans être d’accord. Mais pourquoi résiste-il autant au dérangement ? Pourquoi ton attitude le perturbe ainsi ? Si ses valeurs le limitent, en quoi es-tu responsable ?
Telle une fulgurante comète, il avoue qu’il aurait aimé être à ta place. Il aurait aimé se donner la liberté que tu t’offrais. Mais pour le moment, s’affranchir de ses carcans n’était pas envisageable et croire que tu étais égoïste était plus confortable.
Qu’il est délicat d’apprendre à dire non, à se positionner à contre-courant, à poser ses propres limites. Quand lui t’épingles d’assisté, tu grandis en te choisissant et deviens précisément adulte. Sans béquille. Un humain faillible et imparfait. Parce que l’on change, que l’on mute, que l’on se métamorphose, acceptons que les croyances qui nous ont forgé hier peuvent être obsolètes aujourd’hui. Dans un mouvement inexorable, ce qui n’a plus lieu d’être se détache de nous.
En route vers un nouveau continent, où il sent bon la liberté d’être indépendant et autonome. Où la promesse d’accueillir d’insolites rencontres est déjà là. Où le voyage invite à dépasser notre dualité.
