Un tout petit victime d’abus.
Un bébé en proie à des injures et des blessures.
Un parent, dépourvu de honte et d’empathie, insulte et bat par les mots et les poings.
Un parent, tétanisé par la peur d’être faible et mou, écrase et torpille sa descendance.
« T’es moins qu’un être humain. »
« T’es une sous-merde. »
 
Car pour cet enfant, ses parents sont tout son monde. Leur vérité est sa vérité absolue.
Et la violence d’ordinaire exceptionnelle dans un monde d’amour devient familière et banale dans un règne de soumission et d’oppression.
Si bien que le petit accoutumé se laisse frapper en offrant son corps à son bourreau.
Tous les sévices subis enfoncent toujours plus profondément un puissant credo.
« C’est ma faute. Je l’ai mérité. Je suis nul. »
Par amour et par détresse, l’enfant s’enterre et croit ses parents.
 
Devenu adulte, l’enfant blessé, piloté lui aussi par la peur, nie sa vie.
Condamné pour toujours à payer le droit d’exister. Il n’est vivant que pour se racheter d’être là.
 
Mais par des voix guérisseuses, l’adulte comprend qu’il a le choix.
Il s’arme alors d’un puissant et légitime antidote et lâche sa colère comme des cris d’autodéfense.
Car absolument rien ne peut justifier et normaliser l’abus, l’adulte restaure la vérité de son histoire.
« Je ne suis pas coupable. C’est ta merde. »
 
Porté par une impérieuse nécessité d’évoluer, l’adulte tourne le dos aux sirènes de la loi du Talion, 
Car il refuse d’être une marionnette de plus du passé dans ce récit.
 
Non pas par devoir,
Non pas par charité,
Non pas parce que ça fait bien,
Mais, certainement pour la première fois, mû par un désir d’autonomie, debout et fier sur ses jambes, l’adulte chemine sur la voie du pardon.
« Le pardon est la clé de ma liberté. »
 
L’adulte reconnaît sa place dans sa lignée et accepte d’être au moins un peu de ses parents.
 
Quel que soit le disgracieux, le vilain, le moche, le laid, le difforme, le monstrueux,
Quel que soit l’agacement, l’inconfort, le dérangement, la peur,
Quel que soit l’impuissance et l’horreur en miroir, je décèle une qualité en toute chose.
Je puise l’opportunité de devenir plus humain et de voler plus haut.