Indicibles maux

Indicibles maux

Je savais tout ce que ce n’était pas, mais je ne savais rien de ce que c’était. Je cherchais en moi et je ne trouvais pas la source du puits. 
Pas de mots pour le vide creusé en moi.

Je connaissais le creux laissé par un chagrin d’amour.
Je connaissais le creux laissé par la perte d’un être aimé.
Je connaissais le creux du manque.

Mais le vide par la béance de l’ignominie et de la barbarie humaine ?
La mort était si douce à côté.
Car en moi et tout autour de moi, du rien sur du rien, du néant sur néant.
Plongé dans l’horreur, j’étais chaos.

Revenue d’un camp de concentration, je n’ai pas su, je n’ai pas pu continuer à survivre après.
Je me suis noyée là-bas.
La mort était si douce à côté.

Des êtres humains ont méthodiquement et stratégiquement exterminé d’autres êtres humains.
L’humanité qui s’éradique elle-même.
Et des corps empilés et entassés les uns sur les autres dans des fosses.
Et la force de vie a suffoqué en moi.

Pourquoi étais-je revenue vivante de l’enfer de l’Homme quand tant d’autres étaient partis ? Comment aurais-je pu à ce moment-là ?
Je n’ai pas su faire mieux.
La mort était si douce à côté.
Alors j’ai plongé en elle pour me délivrer.

Ma chère descendance, je vous implore comme une supplique pour la guérison de votre histoire et de celle de l’Histoire, regardez-moi.
Ouvrez les yeux et honorez-nous tous.
Fantômes, nous sommes des vôtres.
Telles des momies vagabondes, nous demandons réparation.
Tant que vous maintenez votre bandeau, nous sommes enchaînés à vous depuis des abysses putrides et nauséabonds.
Apaisez-nous et notre errance commune se dissipera,
Car votre propre confusion s’allégera.

Mais ne vous méprenez pas, être vus et vous regardez, nous coute.
Les yeux vont en haut, en bas, sur le côté.
Nous aussi nous fuyons ou nous essayons de nous échapper.
Car ça tape le cœur.
Peur. La frayeur.
« Et s’ils me la font à l’envers ! »

Respiration. Je rencontre vos yeux. Je découvre le regard de ma fille.
Ma douce, ma tendre enfant que j’ai laissé, maintenant tu me vois et je sens tant d’attente de ta part que je ne peux combler.
Tu me demandes ce qu’il m’est impossible de te donner.
Je suis le vide.

J’ai oublié ce qu’est l’amour.
Je cherche en moi et je ne trouve rien.
De la douceur. Oui
De la tendresse. Oui
Mais l’amour ? Quel parfum ça a ?
Mon cœur est calciné par l’insoutenable.

Si tu le peux, aime-moi telle que j’ai été.
Si tu le peux, ne demande pas à tes enfants de te donner ce que tu n’as pas reçu.
Va ma fille, tu fais de ton mieux sur tes deux jambes.

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