Eloge du mou

Eloge du mou

« Si tu veux, tu peux. »
Alors comme un bourreau de travail, on s’obstine, on maintient le cap et on s’acharne à tenir.
« Oui, ça va finir par payer. »
Alors on s’enferme et on se contorsionne de mots d’ordre et de règles de vie.
Se fliquer, se corriger, se corseter.
Avancer sous le coup de fouet.
Filer droit tel un loyal et obéissant soldat.
Le prédateur dictatorial n’est pas une image.
La peur tenaille, alors le contrôle a toute puissance et déverse sa fureur.

« Je ne fais pas assez. »
« Je peux encore faire plus, encore mieux, encore plus longtemps. »
« Si je fais tout ce qu’il faut alors ça va marcher. »

Travail, volonté, obstination, ténacité, persévérance, discipline et rigueur.
Que de qualités qu’on loue et applaudit pour récompenser et valoriser l’effort de la tâche.
Car la sueur semble bien indispensable et indissociable pour conquérir un objectif un tant soit peu ambitieux.
Il n’y a qu’à regarder et écouter ci et là à quel point la méritocratie par l’effort se dresse en érection.

Toi, tu as fait une croix sur la chance.
Tu te dis que c’est pas pour toi, que tu n’y as pas droit.
Toi, il te faut lutter pour avoir un peu de résultat.

Mais toi, tu te durcis encore et tu resserres tes boulons intérieurs.
Mais toi, tu juges que c’est injuste celui qui réussit avec facilité.
Mais toi, tu rejettes et bannis le tendre, le doux et le moelleux.

L’adversité n’est pas la seule voie et la copine Frustration peau de colle peut te quitter.
« Je suis pas obligé de transpirer pour réussir. »

Vouloir est un autre monde.
Chercher est déjà trop.

Être aussi le mauvais élève au fond de la classe à côté du radiateur,
Faire le mur et se promener sans aucun but,
Sauter du boulot et aller au bord de l’eau en plein après-midi,
Balancer sa to-do list et faire la grasse matinée avec gourmandise et impertinence.

Laisser passer les trains bondés,
Regarder les gens s’affairer,
Observer une tache sur le mur,
Prendre un bain moussant et faire des bulles éphémères,
Se faire masser aux huiles chaudes,
Apprendre du bébé si paisible et oisif dans son sommeil,
Se faire enseigner l’art de la sieste par les fauves.

« Car tu n’es pas en retard et tu n’as à rien à prouver.

S’ouvrir est le chemin.
Se ramollir et se prélasser est la clé pour faire fondre sous de doux rayons lumineux le corset de roche.

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