Elle regardait les passants qu’elle croisait dans la rue, dans le métro et ailleurs et elle se demandait si eux aussi tergiversaient avec trop de vent dans leur tête.
Y avait-il en eux un embouteillage de pensées, des klaxons de digressions, des geysers de fumée qui opacifiaient et obscurcissaient un peu plus le chemin ? Y avait-il en eux un trafic dense et touffu comme une forêt de bouleaux tous serrés les uns contre les autres ? Y avait-il en eux un réseau de formes et de couleurs si hétéroclites et hétérogènes, Qui se déclaraient comme tombées du ciel et en électrons libres et sauvages partaient dans tous les sens ? Y avait-il en eux des congestions de croisements, de ronds-points et d’intersections tellement les pensées arrivaient en cascade, Et continuaient leur route à saute-mouton en s’enjambant les unes sur les autres ? Y avait-il en eux des étoiles filantes bien rapides et volatiles qu’il était usant et téméraire de rattraper ? Leur arrivait-il de devoir courser leurs pensées en clopinant tel un brave marathonien en fin de parcours ? Leur arrivait-il de leur ordonner de cesser leur ébullition d’arborescence et de filer droit sans marchander ? Se demandaient-ils ce qu’ils faisaient là ? Et si oui, combien de fois ? Une fois occasionnellement ou plusieurs fois par jour ? Avaient-ils eux aussi du mal à donner, à trouver ou à retrouver du sens à leur pourquoi ? Et à notre pourquoi ?
Étaient-ils eux aussi fatigués de toutes ces questions empilées telle une montagne de linge sale ? Cherchaient-ils un interrupteur pour cesser ce flot anarchique, constant et persistant ?
Et dans cet assaut de questions, elle observait le regard de ces inconnus, Et se demandait s’ils auraient pu être amis et s’apporter mutuellement un peu de chaleur et de réconfort