Intimité

Intimité

Ils venaient de faire l’amour et continuaient de se tenir l’un contre l’autre sans prononcer le moindre mot. La parole aurait-elle été dissonante, incomplète ou encore maladroite ?
Les mots sont parfois bien creux pour respecter le vertige qui tournoie entre deux regards. Tout doucement, elle sentit qu’il s’assoupissait.

Avec l’un de ses bras sous lui, elle ne pouvait se dégager sans risquer de le troubler. Alors elle se mit à l’écouter, et elle réalisa que c’était la première fois qu’elle l’entendait dormir. D’ordinaire ils restaient silencieux à se regarder et à s’embrasser encore puis parlaient progressivement à leur rythme avec pudeur, maladresse ou malice. Mais là, le sommeil l’avait gagné et elle prit plaisir à le découvrir ainsi. Ce moment lui apparut tout d’un coup d’une extrême intimité. Cette intimité où tu es chez toi, en sécurité et en confiance pour te laisser aller à une sieste inattendue, où le soir tu t’abandonnes tranquillement à un sommeil réparateur. Intimité qu’ils ne partageaient pas et qu’ils ne connaîtraient pas. Cet instant était une fenêtre sur ce qu’elle ne connaissait pas de lui, son intimité quotidienne, banale, un peu triviale et si précieuse cependant aussi. Comme il était impossible à ces amants de se retrouver autre part que dans leur bulle, coupée de leur vie normale, dormir se para d’une finesse et d’une grâce dont elle n’avait pas pleinement pris la mesure jusque-là.

Alors qu’elle écoutait les mouvements de son souffle qui allait et venait paisiblement, il la tenait toujours fort contre elle. C’était presque s’il ne l’agrippait pas contre son cœur. Sans trop comprendre pourquoi, elle se sentait flattée de partager ce moment avec lui. Cette intimité si familière dont ils étaient tous les deux privés ensemble. D’autant qu’elle savait pertinemment que ce portail sur cette intimité n’était que passager et arrivait bientôt à expiration. Telle une gourmande de la vie, elle savoura chaque seconde de ces quelques minutes de sieste et elle demanda à son cœur et à son corps de s’en imbiber généreusement, non pas pour s’y cramponner et le prolonger coûte que coûte mais pour le télécharger et le transmuter dans sa bibliothèque de souvenirs.

Dire au revoir à cette intimité lui était moins douloureux que si elle avait eu lieu avant, car elle apprenait tout doucement dans des micro-détails de quelques minutes d’un temps suspendu à laisser partir ce à quoi elle tenait.


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