Transaction

Transaction

Il l’emmena dans un couloir déserté du château et la plaqua contre le mur, à faire tomber les tableaux et les appliques accrochés. Il la maintenait et se mit à l’embrasser de toutes ses forces. Il cherchait sa bouche pour lui fourrer sa langue, car il n’attendait que cela. Mais, sans un mot, elle tournait et retournait sa tête à droite et à gauche lui rendant impossible d’accomplir sa tâche.

Il essaya de lui donner des baisers dans le cou tellement il était épris. Elle gesticulait et se tortillait comme une anguille pour échapper à ses assauts. Il la retenait fort contre lui et le mur pour l’empêcher de partir. Il l’immobilisait pourvu qu’elle se rende. Il la palpait avec une maladresse frénétique. Ses mains, qui froissaient le vêtement, convulsaient de désir. La robe et les dentelles étaient de trop. Il n’écoutait que sa pulsion. S’il avait pu, il aurait tout arraché. Plus elle se refusait et plus il voulait la posséder. Il voulait tant qu’ils fassent l’amour.

Elle, elle contracta tout son corps qui devint froid telle la gelée hivernale à l’aube de l’aurore et raide comme une planche de bois. Il souleva ses jupons dans l’espoir qu’elle cède. Mais il sentit la forteresse imprenable.

Son autre main, agrippée à son cou, était prête à serrer plus fort jusqu’à l’étranglement, tellement sa frustration était grande et le dominait. Face à lui, elle ne bougeait plus maintenant et se tenait digne et indomptable. Telle une porte blindée, son corps protégeait son trésor. Sans mot, elle le regardait et dans une impériale puissance ses yeux le brûlaient de mépris.

« Tu peux m’imposer ta force, tu peux me prendre et me forcer. Tu peux me souiller. Mais je me donnerai jamais à toi. »

Ce regard d’amazone le saisit et le figea dans une impuissance inextricable. Il fut alors incapable de passer en force et de fracturer son corps. Elle venait d’ériger dans son regard une barrière de feu. À bout de souffle, n’y tenant plus, il lâcha « je t’aime tellement. »

- Que sais-tu de l’amour ? 
- Je sais que je peux tout te donner. Je t’offre mon nom, mon titre, ma fortune. Si…
Il attendait sa réponse mais elle resta silencieuse et inflexible. Rongé de colère et de tristesse, il devint mesquin et menaçant.
- Je veux que tu me regardes comme tu le regardes.
Elle marqua une pointe de surprise dans son regard. Il s’engouffra alors dans la brèche.
- Oui je vous ai vu. Je t’ai vu l’embrasser et soupirer de plaisirs. Je t’ai entendu rire aux éclats sous ses baisers. Et je sais que tu es sa plume. Que t’a-t-il promis ?
- Rien.
- Tu ne seras jamais sa femme. À mes côtés, tu pourrais écrire librement pour ton plaisir.
- Tu n’as rien compris. L’amour n’est pas une transaction.
Cette réponse l’éclaboussa et il resta interdit quelques instants cherchant à la sonder plus profondément alors qu’elle lui apparaissait insaisissable.
- Pourquoi n’es-tu pas comme toutes les autres, heureuses d’être couvertes de présents ? Qui es-tu pour te penser aussi libre ?
Il desserra ses doigts de son cou et se détacha d’elle. Mais il continuait à la regarder pour tenter d’attraper l’indéchiffrable qui lui échappait.
Il en était tant impressionné qu’au fond de lui il se sentit petit garçon ébahi par cette beauté magnétique.
- Tu es le diable.
Intérieurement, elle sourit de dédain, car, derrière cette attaque piquante, elle perçut sa peur.

Là où il voyait le démon, se révélait toute la puissance d’un être profondément libre et insoumis.

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