Les Couleurs de l’âme

Les Couleurs de l’âme

« Un chanteur qui ne chante pas, mais un homme qui terrasse les abimes et soigne l’âme. »

C’est peut-être les mots les plus justes, mais demeurant cependant maladroits pour tenter d’appréhender le profond voyage que j’avais traversé, sans bouger mes fesses de mon siège.

À quoi venais-je d’assister, me demandez-vous ?

Un concert de chant indien. Réponse grossière et simpliste qui masque la pureté du diamant.

Un chanteur qui délivre l’art des « ragas », les « couleurs » ou les « passions » en sanscrit.

Une science musicale issue de la culture védique de l’Inde, enracinée depuis de multiples millénaires, riche d’enseignement et de libération.

À travers les ragas, le poète-magicien chante les couleurs ou les états de l’âme et sonde à la fois le corps, l’âme et l’esprit de celui qui écoute.

Mais je sens bien que mes mots théoriques restent si imparfaits et petits pour rendre compte d’une expérience des plus organiques.

Certes, les mots sont incomplets et donc insatisfaisants, mais ils ont tout de même le mérite d’exister et d’être source de partage.

Alors, même frustrée par ma propre parole, j’ose !


Oui, le temps hors du temps existe !

Car je venais de vivre un moment absolument suspendu,

Une étreinte et une foudre dans mon cœur qui m’hypnotisaient.

Un corps figé et cloué d’inertie,

Mon corps subjugué par les chants de l’artiste.

Tous mes sens, mon cœur et mon esprit étaient fascinés en même temps que j’étais à la merci.

Tout mon être se rendait et se laissait transformer par les ragas, qui telles des flèches, entourées de feu et de miel, transperçaient mes abysses gelés.

Je me sentais lourde et fatiguée, appelée à tomber dans un sommeil de guérison.

Et j’étais aussi transportée d’un ravissement lumineux, joyeux et profond.

Mon cœur s’ouvrait et souriait.

Oui, j’étais sous le charme d’un envoûtement.


Oui, sans aucun doute, ce chanteur qui ne chantait pas, mais qui voyait par le silence et le son aurait pu me foudroyer ou me tuer sur place.

Il aurait pu réveiller mes plus profondes terreurs et mes plus lourds secrets, là, où il n’y a aucun espace pour se cacher et fuir.

Il aurait pu faire éclater toutes mes identités et mes personnages, car il voyait.

Il voyait tout. Il voyait qui je croyais être et il voyait mes écharpes d’illusions et mes poisons intérieurs.

Il voyait mon âme.


Sa présence était réellement magique, car j’étais vulnérable, mais enveloppée d’amour.

Et je n’avais jamais vu et senti un Homme aussi puissant et présent et d’une aussi si impressionnante simplicité et humilité.

Observer un être humain totalement délesté de vouloir faire quoi que ce soit.

S’en était retournant !

Un Homme qui ne cherchait pas à réussir, à prouver, à justifier, à démontrer, à étaler, à dire qui il était, ou ce qu’il faisait.

Un Homme si serein d’équanimité en son propre centre que je le sentais indéboulonnable face aux turpitudes du monde et si remplies d’humanité et de compassion pour nous.


Je souhaite à quiconque, y compris les personnes qui me challengent, et celles qui éveillent en moi un sentiment de dégoût ou d’aversion, de goûter à ce précieux bain de lumière.

Hommage à Pandit Shivkumar


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